Les yeux fermés, la tête, posée contre l’épaule de Duncan, Kim ne pense à rien d‘autre qu’à son homme, ce qu’ils ont vécu, ce qu’elle a envie de vivre avec lui, et l’attraction incontrôlable, animale, qu’il exerce sur elle. Cela fait à peine plus de deux mois qu’ils se connaissent, qu’ils sortent ensemble, trois mois qu’elle est revenue d’Afghanistan et est venue au club pour revoir les têtes connues, en découvrant alors un nouveau venu qui n’a cessé de hanter ses pensées les jours suivants. Il a réussit à lui faire presque oublié tout ce qu’elle avait vu là-bas, la peur, les cauchemars, la culpabilité d’avoir survécu quand d’autres sont tombés. Il l’a définitivement réconciliée avec le MC, même si à son retour du front elle comprenait mieux les aspirations de son père et le but de la création du club et qu’elle avait en tête de renouer les liens brisés à la mort de Sam. Elle se souvient avec un léger sourire aux lèvres qu’elle est venue à la fête sur sa Night Rod Spécial qui dormait dans le garage depuis son départ. Histoire de ne pas non plus complètement rentrer dans le rang, histoire de faire comprendre à tous que si elle n’en voulait plus aux membres, elle restait Kim Town, toujours rebelle à sa façon, indomptable et loin d’être prête à se plier aux exigences machistes des membres. Et en plus de ça, elle a fait un scandale au moment où elle a appris que sa sœur avait été impliquée dans les affaires du club, qu’elle servait parfois de petite main ou d’atout charme aux Men Of Mayhem. Sid était d’accord évidement, et elle était toujours prête à continuer pour aider ceux qui, avec l’absence de sa sœur, sont devenus plus que jamais ses frères. Mais c’était dangereux, et l’ainée n’a pas du tout apprécié qu’on mette sa cadette en danger, et elle l’a fait savoir ce soir là, en pleine fête, directement au président. Elle a beau avoir complètement craqué, il était hors de question qu’elle en oublie de protéger sa sœur et d’ouvrir sa gueule si nécessaire, alors elle a demandé une entrevue en privé et elle l’a littéralement engueulé, peu importe son regard qui tue, il devait l’écouter !

Parfois, elle se demande encore comment, malgré ça, il a décidé de faire d’elle son officielle. Cela dit, c’est bien connue, les femmes de caractère ont besoin d’un macho à leurs côtés, il faut avoir des sacrées couilles pour supporter ce genre de nana. Mais finalement, elle l’avait toujours su, le seul homme à pouvoir se confronter à elle au quotidien sans se faire écraser, à pouvoir l’amadouer assez pour la faire tomber amoureuse, à pouvoir l’empêcher de prendre le dessus tout en la faisant se sentir plus femme que jamais, serait un membre du club. Et Sid n’avait d’ailleurs jamais manqué de le lui rappeler quand son ainée se plaignait de ses petits amis trop mous du genou, pas assez sauvages ni assez passionnés, pas assez sûr d’eux. Bref, bien trop loin de son père, bien trop loin de son idéal, mais pas du club, leur unique qualité finalement, du moins le pensait-elle à l’époque lointaine de ses études pendant lesquelles elle avait coupé tous les ponts avec le club et tentait de s’en éloigner à tout prix.

La cabane de Joe le barjo est régulièrement réapprovisionnée en boissons et en bouffe, ils ne manqueront de rien et rien ne leur manquera puisqu’ils seront tous les deux. Dans le sac à dos fait à la hâte, des sous vêtements sexy et une paire d’escarpins uniquement, sur elle, des bottes noires, un jean bleu clair par-dessus des bas noirs, une surprise pour son chéri, un débardeur blanc à boutons sous lequel, autre surprise, elle n’a pas mis de soutien-gorge, un long pull bien chaud parce que mine de rien, c’est bientôt l’hiver et sa veste en cuir. Déjà, ils sortent de la ville, elle sent les vibrations de la Fat Boy sous ses fesses et la chaleur de son corps qu’elle serre tout contre elle et elle a envie de lui. Elle soupir et se mord la lèvre à l’idée de passer deux jours entiers, et trois nuits, avec lui, sans personne pour les interrompre, sans réseau, juste quelques grizzly, le feu dans le cheminée s’il fait froid. En tout cas, elle ne peut plus résister à ses regards, elle n’a jamais vraiment pu, mais maintenant elle ne veut plus résister, elle veut être à lui, rien qu’à lui et toute à lui. Les images de la guerre ont laissé place à des rêves érotiques peuplés de Duncan McConhall en tout genre et parfois les rêves deviennent réalité depuis qu’elle lui a donné les clés de la maison qu’elle partage avec Sid. Il l’a domptée tout en douceur, à sa manière, avec plus de caresses que de fouet, la jeune pouliche fougueuse est devenue sa régulière et elle se tient à carreaux car elle ne veut pas le perdre. Il vaut tout l’or du monde, toutes les vies tranquilles auxquelles elle a pu rêver, tous les sacrifices et les dangers qu’elle devra affronter, il vaut largement le médecin qu’elle a fréquenté avant, plus que le militaire qui la rassurait sur le front, plus que tous ceux qu’elle a connu avant. Il a gagné son cœur et elle sait qu’il la respecte sans qu’elle ait besoin de se montrer dure et insoumise, alors il a en même temps gagné le droit de la voir sous son meilleur jour, douce et attentionnée.

Il l’a appelée dans l’après-midi pour lui proposer de monter là haut le temps d’un week-end en amoureux, parfois il a des élans de romantisme malgré toute cette violence qui les entours et ça la rend encore plus folle de lui. Le temps de finir le boulot et de préparer ses affaires, elle l’a rejoint au club où il avait des choses à finir avant de décoller et les voila sur la route alors que le soleil décline peu à peu. Avec un peu de chance, ils arriveront à temps pour le coucher du soleil, elle y est allée une fois déjà, il y a bien longtemps, en pleine journée pour passer le bonjour au père de Joe et voir s’il ne manquait de rien, il est mort depuis, laissant cette petite maison en rondin à son fils, qui étant le meilleur ami de Duncan ne pouvait pas lui refuser cette faveur. La première chose qu’elle c’était alors dit c’était que cet endroit était splendide et magique, sauvage, isolé, comme elle aimait. Ça n’est pas très loin du Lac Tahoe, mais nettement mois surpeuplé, il y a parfois quelques pécheurs, mais ils se cantonnent à l’autre rive, plus proche de la route. La cabane est de l’autre coté et on doit faire le tour sur un vieux chemin de terre, si on ne connaît pas on le rate à coup sûr. Lui, elle, la forêt, le lac, bientôt. L’impression que la route n’en finira jamais, mais en même temps, pendant ce temps, le désir monte en elle avec le vent sur son visage, la vitesse qui l’enivre autant que son odeur. Exactement ce qu’elle imaginait, et comme elle y pensait déjà quand elle faisait son sac, elle en a oublié sa pilule son chargeur, son portable, tout ! Tout sauf les bas, portes jarretelles, string et shorty, guêpière, corset, nuisette, body, et une robe courte ultra moulante. J’espère qu’il va aimer, j’espère qu’il va pas me prendre pour une salope après ça… Ce ne sera pas la première fois qu’elle s’habille sexy pour lui, mais elle ne lui a encore jamais sorti le grand jeu, elle espère que ça va lui plaire et du coup elle se demande si ce n’est pas un peu trop. Mais en même temps elle a envie de lui en mettre plein la vue, et pas seulement pour ses yeux d’ailleurs, elle veut qu’il se souvienne toujours de ce week-end, et que le souvenir des moments torrides passé dans cette cabane le ramène toujours à elle quoi qu’il arrive. Elle veut qu’il soit aussi heureux de l’avoir emmenée ici qu’elle d’y être avec lui, qu’il ne regrette pas d’oublier le club pour quelques jours pour s’occuper d’elle et surtout qu’il ne cesse jamais d’être romantique.

Kim se redresse, le regarde, il ne peut pas voir qu’elle l’observe avec les yeux entouré de khôl et de mascara brillants d’un amour sans limite, un sourire se dessine sur sa bouche pas maquillée. Elle arrange avec tendresse une mèche de ses cheveux qui vole dans le vent et lui chatouille le visage et se colle de nouveau à lui le serrant de plus belle en respirant son odeur jusqu’à en oublier le paysage qui défile à toute allure. Elle n’a jamais été aussi bien qu’à cet instant, avec les frissons de désir qui lui parcourent les cuisses et le dos sans qu’elle ne puisse pour autant lui sauter dessus. Elle le serre entre ses genoux et lui souffle dans le cou, il comprendra, enfin elle espère. D’ailleurs, la foret se fait plus dense, la route plus petite, l’air plus frais, le chemin approche, la moto ralentis pour tourner et ne pas trop les secouer sur la piste irrégulière. Plus qu’une dizaine de minutes ! Quand ils arrivent enfin, le soleil se couche en face de la cabane sur les cimes déchiquetées donnant au ciel des parures or, violettes et sang et au lac, des reflets multicolores ondoyant sous la légère brise qui fait murmurer les grands arbres qui entourent ce petit paradis. Kim observe la beauté de l’instant le souffle coupée par cette magie éphémère et pourtant immuable. Peu importe le temps, il c’est arrêté au moment même où elle a mis pied à terre, peu importe les querelles passées et les souffrances, les morts eux même ne viennent pas hanter ce pur moment de grâce…

« Bébé, regardes. C’est tellement beau, c’est magique ! » Elle se tourna vers lui avec un sourire et reprit. « Merci de m’avoir emmenée, ça faisait une éternité que je rêvais de voir le coucher de soleil sur le lac. »

Elle le serra contre elle quelques instants puis, se hissa sur la pointe des pieds, déposa sur ses lèvres un doux baiser qu’elle se retint de prolonger en le regardant droit dans les yeux la bouche entrouverte et le souffle court pour apprécier le spectacle jusqu’au bout. Elle se retourna à l’instant même ou un aigle passait dans le ciel en émettant son cri strident.

« Je suis tellement contente de partager ça avec toi. »

Une fois le dernier morceau de soleil disparut derrière les montagnes le ciel s’assombrit rapidement et l’air se fait de plus en plus frais si bien qu’un nouveau frisson, de froid celui là, la parcourut.